Vérités
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Que se passe t'il ce week-end, mes sens sont affutés par ce que je vois et entends, devant moi se dressent des arbres dignes, nus et majestueux, leurs branches laissées nues, par les vents d'hier et d'automne. Ils campent les saisons. Préparent leurs printemps. Non je me trompe ils se précipitent vers moi et se dressent de tout leur ramage ne laissant passer que la lumière, illuminant mon monde. De la bourrasque d'informations, d'images et de sollicitations qui me cache l'essentiel, je tentais de me protéger sans m'isoler. Trois mises en présence, les unes après les autres, m'ont renvoyée très loin au fond de moi.Stromae, d'abord, roseau à la voix profonde, des relents de Brel, auquel il se confronte en frère sur de la musique électronique, articule des mots nus comme lui, qu'il joue en me regardant dans les yeux par écran interposé.. Il titube, s'habite profondément, se met en scène homme, femme, enfant, saoul, digne, et écorché. Mettant sa vie entre nos oreilles. http://www.youtube.com/watch?v=o2B1NlMLggU, je frissons comme en d'autres temps avec la Camille du Fil.
Guillaume Gallienne, ensuite, qui se donnait en spectacle au théâtre et traduit dans ce film que je viens de voir, une autobiographie poignante (les garçons et Guillaume à table). Homme un peu précieux, à la limite du banal, celui qu'on croise sans le voir, je veux dire seulement humain. Dans ce récit de sa vie d'enfant bourgeois ordinaire Guillaume Galliene dit avec légèreté et facétie, comment on grandit quand on ne le veut pas, avec souffrance. Prise aux tripes par le récit de la construction d'un Homme, de la place d'une mère, d'une famille et de toutes les absences et des silences aussi, je résumerais ce que j'ai ressenti par la question de la mère à la fin "Est ce qu'une personne peut avoir raison pour elle même si tous les autres sont certains du contraire"? (question à laquelle je tentais de plonger à travers les rêves dans mes passages à l'âme).
Et enfin Marina Abramovic, sur une vidéo de youtube, à l'occasion de la rétrospective de son travail au Moma de New york en 2010, proposait une performance sur le regard. Assise 8 heures par jours, 6 jours sur 7, elle regarde les visiteurs qui viennent s'assoir en face d'elle, entre chacun, elle rentre en elle, ferme les yeux, baisse la tête, habitée et éprouvée par ce qu'elle donne et reçoit. Assise droite, sans fard, doucement elle ouvre les yeux sur qui la regarde et lui rend dans un échange qui me fait penser au sac et au ressac des marées, inspiration, expiration. Ils défilent, certains émus, d'autres souriant, tous l'observe. Elle est habillée d'une longue robe rouge dont la traine est rangée sous la table, sa natte brune repose sur son épaule, une blanche neige-rouge, à chaque visiteur se réveille de son long sommeil. Ouvrant les yeux, elle se trouve face à un homme, le visage de l'artiste s'éclaire, elle referme les yeux pour aussitôt les rouvrir, déglutit, a un minuscule et unique mouvement de la tête de droite à gauche, ses yeux se remplissent de larmes. Le visiteur secoue la tête doucement comme pour se libérer de quelque chose et répondre au mouvement de Marina Abramovic. Elle ne bouge pas mais s'affaisse un peu, il hoche de nouveau la tête, soupir, bouge les épaules. Elle reste immobile. Ces deux là se disent des choses silencieuses que nous croyons ne pas comprendre. Doucement elle se penche et pose ses bras sur la table qui les séparent, il semble soulagé son visage irradie et lui saisie les mains. Des applaudissement retentissent me ramenant à la performance et au spectacle auquel un temps nous avions tous les trois échappés, l'artiste , le visiteur et moi. Il lui parle, je ne comprend pas ce qui se dit, elle ne répond pas. Doucement elle se redresse, leurs mains se glissent loin les unes autres, alors et il se lève et part. Et tandis qu'il tourne le dos en s'éloignant, elle porte ses mains à son visage, essuie des larmes et rentre en elle de nouveau. Une nouvelle visiteuse vient s'assoir, les yeux de Marina peinent à rester ouverts, ils se ferment plusieurs fois avant qu'elle ne puisse fixer de nouveau celle qui lui fait face, elle lui sourit, me sourit? Sans distanciation elle est l'oeuvre elle même, le substrat qui reste, de l'inconscient qui se véhicule d'âme à âme. Et soudain elle reconnait quelque chose, quelqu'un dans les yeux de l'autre. La réverbération de son émotion brise les frontières la nourrit et nous revient au centuple.