N’oublie pas l’hiver
Réflexions sur le temps et les gens qui passent
Dans le frimas de février, je me suis rendue à Timisoara, intimidée. Par l’inconnu, l’étrangeté des lieux et des époques qui se juxtaposent sans véritable ordre, tout comme les volontés, modernes ou passéistes. Cet endroit ne ressemble à rien que je connaisse sauf mes fantasmes, ceux de l’est, des cités abandonnées pour d’impossibles exils et de l’invitation à réaliser une œuvre qui engloberait tout cela.
Lorsque j’ai visité le jardin, la guerre n’était qu’une hypothèse réelle. Maintenant qu’elle est avérée, et avant qu’elle ne nous déborde, convoquer l’hiver est rude.
Je pensais à tout son sous-jacent, les bourgeons qui chas- sent les feuilles à la fin de l’automne, à nos résurgences amnésiques de l’obscurité qui le précèdent. Je pensais à cette ombre si nette près du tronc, floue et large en s’en éloignant. Au soleil bas, aux branches vide et au sol plein. A la mémoire prompte a s’effacer et a ressurgir.
Je me suis projetée sur l’ombre étirée des arbres de la placette dans l’enceinte de l’Institut Français.
Le titre m’est venu en premier, n’oublie pas l’hiver et ses ombres longues et souterraines. Lorsque la canopée est à son apogée, luxuriante des feuilles et des fleurs en attente de fruits, lorsque la douceur du printemps s’apprête à laisser la place à la chaleur de l’été, lorsque nous sommes réunis pour converser de nos victoires, sur nous même, sur l’obscure, n’oublions pas l’hiver et ses gestations.
Au temps qui est marqué à contre temps, celui de l’hiver au printemps, d’une heure abstraite qui ne revient jamais tout a fait de la même façon. Plutôt que de la marquer de rouge du vivant j’ai choisi celui du miroir de ce qui s’y reflète.
N’oublie pas l’hiver c’est aussi le lien qui nous lie a l’histoire, le cycle des vies et des morts, de la folie des hommes, des arrachements et des départs.