Entre deux lignes, entre deux mots qu’y a t’il ?
Cela fait bien longtemps que je ne vous ai pas écrits, depuis le 7 octobre exactement. Vous vous en souviendrez je me préparais à montrer cette œuvre En paix, Caïn et Abel que j’avais imaginée en juillet et que la conjonction malheureuse des astres et des esprits malins a rendu prémonitoire. Je voulais depuis vous envoyer la transcription de ce que j’y avais écris. Mais que sont les mots ? Le texte est resté sur l’oeuvre.
Entre deux lignes, entre deux mots, il y a plus que l’espace qui leur donne sens. Il y a la vie qui passe, la peur et la respiration qui lentement, doucement, raccommodent les béances et laissent voir, en noir sur blanc, l’arithmétique du temps qui a passé.
De quoi a été fait ce temps ? Le silence l’a-t-il raccourci, réparé, amputé? Est-il possible que l’on passe d’un jour à l’autre sans que les heures aient défilées? D’une semaine à l’autre sans que le poids des jours ne nous ai éreinté ? D’une année à l’autre sans que rien ne soit venu taper à notre coeur, notre corps, notre âme?
Les otages dans le silence existent-elles encore? Ne pas parler d’elles (et d’eux et de tous ceux dont la liberté est confisquée arbitrairement), ne pas y penser, laisser le monde s’ensevelir par les cris de rages de ceux qui les retiennent physiquement et moralement, les font-elles disparaitre?
Et quand elles reviendront, elles ou leurs âmes, le silence sera-t’il encore leur lot?
Je ne pensais pas à elles (et eux) en commençant ce texte. Je ne pensais à rien, sauf à ce qui m’étreint depuis que je suis partie, depuis que je suis née. Ce que je n’écris pas. Une fatalité qui n’est pas mon lot, pas mon plan de route.
Hier je pensais, avant le 7 octobre je pouvais me déployer comme on agite un voile au vent. Je pouvais prendre les courants d’air chauds et froids, développer mes histoires en faisant partie de l’Humanité. Depuis le drap s’est replié, il n’y a plus qu’un couloir pour l’agiter, mais il git à terre, piétiné.
Cette image sort du brouillard et moi du silence. Attendais-je de re-rentrer dans la petite boite qui m’a toujours été refuge/prison?
Et puis je me suis dit, rentrer dans cette boite c’est peut être rentrer en soi, affronter les torrents, les orages et transmuter ce qui a été lavé en sens, en responsabilité.
Presque 8 mois ont passés, de ce vide, cet oublie j’ai créé une installation que je vous montrerai à Paris en septembre. Elle s’appelle Réfléchissements. Elle dit que le monde ne se dévoile que lorsque nous nous y réfléchissons et que ce que nous voyons ce n’est que nous.
Puissions nous aussi y voir les autres, reconnaitre leur monde qui ne coïncide pas forcement avec le notre en l’agrandissant.